Entretien avec les directeurs de la publication de Futurs insolites

L’anthologie Futurs insolites : Laboratoire d’anticipation helvétique a été publiée cette année aux éditions Hélice Hélas. Comment crée-t-on une anthologie ? Quel est le rôle de l’éditeur ? Comment se passe l’appel à textes ? Nous avons posé toutes ces questions aux deux directeurs de la publication, Elena Avdija et Jean-François Thomas.

  • Comment vous est venue l’idée de cette anthologie ?

Elena Avdija [EA] : L’idée m’est venue en discutant avec un groupe d’auteurs suisses qui se retrouvent traditionnellement aux Utopiales. J’aurais bien voulu qu’il existe un endroit où proposer des textes en Suisse, notamment pour les jeunes auteurs, quelque chose comme une plateforme d’écriture. Je savais qu’il existait déjà des anthologies, dont une de Jean-François1, et l’idée d’une structure au sein de laquelle les auteurs puissent envoyer des textes et essayer d’être publiés me plaisait. Et pourquoi la Suisse : parce que j’avais envie de proposer un ouvrage thématique. Je pense qu’avoir une contrainte dans l’écriture, ça produit un sens en plus au recueil de textes et j’étais assez curieuse de voir ce que cela pouvait donner. C’est toujours un peu comme ça, dans ce genre de projets : ça part d’une envie. Disons que j’aurais bien voulu envoyer un texte à une anthologie comme ça et au lieu de le faire, j’ai fait l’anthologie ! Je n’ai donc pas écrit dedans, mais je suis contente d’avoir pu participer à la faire exister. Et comme j’avais besoin d’un coéquipier fort dans cette aventure, parce que c’est quand même un long projet, j’ai tout de suite pensé à Jean-François. Je lui ai demandé et il a accepté.

Jean-François Thomas [J-F] : Effectivement, on était aux Utopiales, Elena est venue vers moi et m’a demandé si je serais d’accord de participer à une anthologie de science-fiction suisse. J’en avais déjà fait, alors j’ai dit oui. Je voyais ça un peu comme un passage de témoin à une génération plus jeune, qui peut prendre la relève.

  • Comment avez-vous trouvé l’éditeur ?

EA : Les éditions Hélice Hélas m’ont été conseillées par un auteur qui avait déjà été publié chez eux. Je ne connaissais personnellement aucun éditeur, je n’avais jamais eu de contact avec aucun, à part pour la nouvelle que j’avais publiée2, mais c’était des Bretons !

  • Comment s’est passée votre première rencontre avec les éditeurs ?

EA : Je leur avais envoyé un très long mail, très détaillé, pour présenter le projet. Ils m’ont tout de suite proposé une rencontre pour en parler. J’étais très surprise que cela aille aussi vite. Et à partir du moment où on en a parlé, ça a été l’autoroute. Ça a pris le temps nécessaire, mais nous n’avons eu aucun obstacle. Les éditeurs nous ont laissé le champ libre.

J-F : C’est intéressant, car on se rend ainsi compte qu’il suffit parfois d’oser, de poser la question. C’est beaucoup une question de contacts avec les gens. Comme quoi, on peut avoir des projets et les réaliser : il faut peut-être avoir un peu de chance, tomber sur les bonnes personnes. Souvent les gens sont plus ouverts qu’on ne le pense.

  • Comment avez-vous procédé pour l’appel à textes ?

EA : J’ai créé une page sur Facebook pour diffuser l’appel à textes. Nous l’avons également envoyé par email et publié sur le site ActuSF.com. Nous avons en quelque sorte activé le « réseau SF ».

J-F : Pour Jean-Marc Ligny, c’était différent : je lui ai demandé aux Utopiales s’il serait intéressé à écrire une nouvelle sur la Suisse. Là aussi, nous avons été surpris, car il a répondu « pourquoi pas », mais il était pris par l’écriture de son prochain roman. Pour finir, il a imaginé une nouvelle qui se passe dans l’univers d’un de ses romans déjà publiés, Exodes 3. Pour nous, il était très intéressant d’avoir une « tête de série », si je puis dire, car c’est un auteur connu, ce qui est accrocheur pour une anthologie.

  • Combien avez-vous reçu de contributions ?

J-F : Environ une quarantaine de textes, dont quatorze ont été publiés. On en a donc écarté quelques-uns : certains étaient illisibles, certains étaient un peu hors sujet ou pas très clairs. On a demandé à des auteurs de réécrire, certains l’ont fait, d’autres ont refusé.

  • Quel a été le rôle de l’éditeur dans tout ça ?

J-F : Un des éditeurs a relu tous les textes. Il nous a aidé à réfléchir dans quel ordre on allait les mettre. J’ai fait une proposition, puis Elena et l’éditeur ont revu et modifié l’ordre. Il y a eu quelques changements et c’est là que l’éditeur est intervenu.

  • Quels sont les critères qui entrent en jeu quand on décide de l’ordre des nouvelles dans une anthologie ?

J-F : Il faut une nouvelle d’accroche, pour donner envie de lire les autres. On essaie aussi de varier en mettant une nouvelle triste, ou plus sérieuse, puis une plus drôle, … Par exemple, il y avait trois nouvelles sur la mort assistée : on ne les a pas mises les unes derrière les autres !

Une bonne nouvelle pour les amateurs de SF suisse : Futurs insolites est le second ouvrage de la nouvelle collection de science-fiction et de raisons d’ailleurs (sic) de la maison d’édition Hélice Hélas, « Cavorite et Calabi-yau ». Le premier ouvrage de cette collection est un recueil de nouvelles de Lucas Moreno publié en 2012, Singulier Pluriel.

Annabelle


Les Utopiales :

Créé en l’an 2000, ce festival international de science-fiction, organisé à la Cité des Congrès, à Nantes (FR), rassemble jusqu’à 60’000 amateurs du genre pendant quatre jours. On y trouve des écrivains, des illustrateurs, des scientifiques, mais aussi trois salles de cinéma, une salle dévolue aux jeux de rôle, ainsi que l’une des plus grandes librairies du monde consacrée aux genres SF, fantastique et fantasy. En 2016, les Utopiales se sont déroulées du 29 octobre au 3 novembre.


 

1 Jean-François Thomas (dir.), Défricheurs d’imaginaire, Orbe, Bernard Campiche, 2009.

2 Elena Avidja, « Les passerelles », in Réalité 5.0, Antoine Mottier (dir.), GOATER, 2ème semestre 2013.

3 Jean-Marc Ligny, Exodes, L’Atalante, 2012.