Joseph Altairac a enfin publié le deuxième volume de son anthologie sur Jacques Bergier, L’aube du magicien, qui contient une correspondance échangée avec Pierre Versins, fondateur de la Maison d’Ailleurs. Le premier volume avait été présenté le 22 novembre 2008 à la Bibliothèque-médiathèque de Saint-Germain-en-Laye, lors d’un colloque accompagné d’une petite exposition organisés par Jean-Luc Rivera à l’occasion du trentième anniversaire de la mort de Bergier. Il aura donc fallu attendre huit ans pour que la suite soit publiée, de façon tellement discrète qu’on a bien failli passer à côté ! Comme le premier, ce deuxième volume reprend le « format Planète », c’est-à-dire 20 x 17 cm avec une deuxième partie sur papier jaune, qui contient cette correspondance (1955-1965). Jacques Bergier (1912-1978) et Pierre Versins (alias Jacques Chamson, 1923-2001) avaient au moins trois points communs : l’amour de la SF, un internement dans les camps de concentration nazis et, malgré cela, un solide sens de l’humour. On lit avec plaisir cet échange de lettres où les deux compères s’échangent leurs trouvailles, leurs impressions et savourent chaque reconnaissance de la SF de la part d’une institution officielle ou commerciale.
Malheureusement, cette belle amitié se termine brutalement. Versins, qui avait accueilli avec enthousiasme Le matin des magiciens de Pauwels et Bergier (lettres du 29 novembre 1960, p. 390 et du 26 mai 1961, p. 393) et le premier numéro de Planète (lettre du 23 septembre 1961, p. 396), change d’avis et refuse dorénavant d’être publié dans Planète, « qui pour moi n’est pas une entreprise honnête » (lettre du 5 novembre 1964, p. 401). Réponse cinglante de Bergier, le 29 janvier 1965 : « Considérez les relations entre nous comme définitivement rompues à l’avenir ». Martine Thomé (compagne de Versins et membre d’honneur de l’AMDA) tentera en vain de recoller les pots cassés. L’Encyclopédie de l’utopie, des voyages extraordinaires et de la science fiction de Versins (2e éd., L’Âge d’Homme, Lausanne 1984, p. 674) contient une virulente critique de Planète qui se termine par : « nous avons été publié deux ou trois fois dans « Planète », sans notre assentiment, contre notre gré et sans être payé ni recevoir un exemplaire justificatif. » Pourtant, Versins, dans sa lettre du 23 septembre 1961, propose à Bergier de publier L’enfant né pour l’espace dans Planète et, le 21 novembre 1961, il écrit : « Je suis en train de vous concocter un article genre Napoléon apocryphe pour Planète, sur Ignis (…) » À l’inverse, on lit dans Planète n° 20, janvier-février 1965, p. 90 : « L’un des fanzines baptisé « Ailleurs » mérite une mention spéciale : il tire à 222 exemplaires, et ce depuis 1957. Il publie des numéros spéciaux et des « Cahiers d’Études ». Pierre Versins, son directeur, est une des autorités européennes en S.-F. Sa culture dans ce domaine est immense et l’on trouve fréquemment dans « Ailleurs » des études originales sur des écrivains oubliés ou inconnus. (…) » Au lecteur de se faire une opinion…
Bruno Mancusi – Article paru dans le D’Ailleurs Info 32, 2019.
Joseph Altairac, Jacques Bergier, l’aube du magicien, vol. 2, L’Œil du Sphinx, Paris 2016, 426 p. (la correspondance occupe 135 p.). La Maison d’Ailleurs possède elle aussi une correspondance Versins-Bergier, mais Joseph Altairac n’a utilisé que celle présente dans les archives Bergier.