Interview d’Alexander Preuss

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Alexander Preuss et je suis né en 1974 à Aix-la-Chapelle. Dans ma jeunesse, j’ai fait une formation classique de mécanicien et je suis ensuite devenu graphiste/designer dans l’industrie du jeu. Dessiner a toujours été mon truc et je savais déjà enfant que j’aimerais en faire mon métier plus tard. Toutefois, mes parents ne trouvaient pas cette idée très bonne à l’époque… d’où la formation de mécanicien ! J’aime bien lire, surtout ce qui a trait à la science et à la science-fiction : j’en tire souvent de l’inspiration pour mes images. Je fais beaucoup de sport : ça libère la tête ! Et j’aime bien cuisiner… souvent bien trop sophistiqué pour un simple repas du soir, mais ça me plaît. Ma famille, mes amis et mes hobbies sont très importants pour moi, car on se laisse souvent happer par le travail. C’est pourquoi je saisis aussi chaque occasion d’aller dans la nature, que ce soit en moto, à vélo ou à pied. J’aime nouer de nouveaux contacts et échanger avec d’autres gens, on apprend comme ça tant d’histoires intéressantes qui souvent restent ignorées ou ne sont pas racontées… quelques-unes m’ont même inspiré pour certaines de mes œuvres.

@ Alexander Preuss – Facebook

Comment a débuté votre carrière d’artiste ?

Après ma formation de mécanicien, que j’ai faite pour faire plaisir à mon père, j’ai été engagé en tant que graphiste par une société de jeux vidéo d’Herzogenrath encore petite à l’époque : Egosoft. Peu après, j’étais déjà directeur artistique de la société et nous avions réussi avec une petite équipe à créer un jeu vidéo très populaire : « X Beyond the Frontier ». Après à peine 7 ans, j’ai changé pour aller dans la branche publicité et IT à Düsseldorf. En parallèle, j’ai commencé à réaliser sur mon temps libre des petites commandes pour des auteurs et des éditeurs qui avaient besoin, par exemple, d’illustrations de couverture pour leurs livres ou leurs CD. Jusqu’à maintenant, j’ai réalisé près de 140 couvertures de livres et de CD. Le plus gros tournant de ma carrière a été en 2005, lorsque mon travail « The broken Armistice over Abalakin » a gagné la première place dans le concours international d’art de la CGSociety1. Dès lors, j’ai reçu beaucoup de commandes internationales.

Avez-vous des modèles, des gens qui vous ont inspiré au début de votre carrière ?

Bien sûr : mes plus grands modèles sont des artistes, comme par exemple Salvador Dali, H.R. Giger, Syd Mead, Feng Zhu et Dug Chiang. Ce sont surtout Syd Mead (Blade Runner) et Feng Zhu (Star Wars) qui ont eu une grande influence sur moi.

Sur la carte de membre 2018 de l’AMDA, on peut voir une de vos créations, une image intitulée « Stone Town » : pouvez-vous nous parler de cette image ? Qu’est-ce qui l’a inspirée ??

J’ai une imagination très imagée et mes rêves en sont très imprégnés. « Stonetown » est une scène d’un rêve très agité que j’ai eu, et je voulais que cette image soit exactement comme je m’en souvenais. Elle s’intégrait parfaitement à un monde auquel j’avais déjà pensé pour un projet de livre : un roman graphique intitulé « Subspace » qui parle de voyages dans des galaxies lointaines et dans lequel le héros est à la recherche de son amour perdu. Je sais que ça peut sembler un peu kitsch à certains, mais je suis un romantique…

Carte 2019 – Alexander Preuss

Imaginez-vous une histoire pour chacune de vos images ? Sont-elles reliées entre elles par l’univers qu’elles illustrent

Bien entendu, chaque image raconte une histoire : après, ce que j’ai en tête et ce que le spectateur en retire sont souvent des choses différentes… Pour les commandes, je m’en tiens aux consignes de l’auteur ou de l’éditeur, même si on m’accorde souvent une grande marge de manœuvre. Pour mes œuvres personnelles, c’est bien sûr autre chose, car j’ai toujours une petite histoire derrière la tête lorsque je dessine quelque chose. Comme je l’ai déjà dit, je travaille depuis des années sur un Artbook/roman graphique pour lequel je réalise beaucoup de dessins.

Je ne suis malheureusement pas un bon écrivain, raison pour laquelle je suis toujours à la recherche d’auteurs qui sont prêts à écrire de petites histoires pour le roman graphique : j’ai déjà pu en enthousiasmer quelques-uns pour le projet ! En principe, j’aimerais stimuler l’imagination de chaque personne qui regarde mes images, c’est pourquoi j’aime l’idée que chacun puisse s’imaginer sa propre petite histoire.

Vous travaillez dans la conception de jeux vidéo2 : quel est votre rôle en tant que directeur artistique ? A quel moment de la conception du jeu intervenez-vous ?

Comme dit plus haut, j’ai participé très tôt (1994) aux premiers projets d’Egosoft et j’ai également réalisé de petits travaux graphiques pour d’autres sociétés de jeux. Cependant, c’est seulement devenu intéressant en 1996, lorsque nous avons commencé un jeu de l’espace pour lequel je dirigeais la création de l’univers entier. J’ai conçu chaque vaisseau, chaque race alien, toutes les animations et les cut scenes, ainsi que tous les arrière-plans pour ce jeu. Ça a été mon premier vrai travail de directeur artistique et j’ai eu beaucoup de plaisir à le faire. A part une petite pause artistique dans l’industrie de la publicité, j’ai conçu pour Egosoft presque tous les jeux au niveau graphique.

Vous travaillez beaucoup sur informatique, mais il vous arrive aussi de créer de manière plus traditionnelle sur différents supports : pouvez-vous nous dire quelques mots de ces autres créations ? Qu’est-ce qui vous pousse à (re)venir à des supports matériels ?

Je ne serais pas un véritable artiste, si je me limitais à un support ! Pour moi, il s’agit toujours de trouver le moyen qui permettra d’arriver à un bon résultat avec différentes techniques. Dans la branche du jeu, on est limité aux moyens digitaux, mais dans mon temps libre, j’essaie presque tout pour savoir si ça me plaît ou non. Ou plutôt, pour voir si j’arriverais peut-être même à de meilleurs résultats avec une autre technique. Et il ne faut pas oublier que beaucoup de collectionneurs aiment mieux posséder un original qu’une simple impression digitale.

Vous avez été exposé à la convention de SF de Dortmund en 2011 : êtes-vous un habitué des conventions de SF ? Vous arrive-t-il d’y aller comme simple visiteur ?

Pas aussi souvent que je le voudrais. J’aime les conventions : les gens sont libérés là-bas et ils réalisent simplement leurs fantasmes. C’est quelque chose qui me manque souvent un peu dans la vie de tous les jours.

Dortmund a été mon premier vernissage officiel et un grand succès puisque j’ai vendu toutes mes œuvres exposées. Je prévois déjà pour la prochaine Comicon en Allemagne un petit stand où vendre mes œuvres. On va voir comment ça se passe : c’est encore nouveau pour moi !

En tant qu’artiste, y a-t-il un projet qui vous tient à cœur et que vous n’avez pas encore pu réaliser ?

Oh, il y en a quelques-uns que j’ai prévus ou que j’essaie de réaliser. Mon projet le plus important en ce moment est mon Artbook que j’aimerais financer avec l’aide des fans via le financement participatif. La deuxième chose importante est un court film d’animation que j’aimerais réaliser avec un ami de Russie. Il fait la musique et moi les animations. Nous avons déjà travaillé ensemble en 2013 à un court métrage et le résultat était vraiment bon3.

Annabelle Amsler – Article paru dans le D’Ailleurs Info 32, 2019.

1 http://www.cgsociety.org/

2 A. Preuss est lead artiste, directeur artistique et superviseur FX chez Egosoft GmbH. Il a notamment travaillé sur le jeu « X Rebirth », sorti en 2013.

3 « Homeland » : https://www.youtube.com/watch?v=MFcQj4amMFo