Multiversalités

Il y a une nouvelle venue dans le paysage de la SF francophone. L’éditeur français « L’œil d’or » a lancé en automne 2023 une revue dans sa collection « Angle Mort ». Et comme il est le mieux placé pour en parler1, voici ce qu’il faut savoir :

« La revue Angle Mort a pour ambition de réunir deux fois par an des écrivains, des artistes et des scientifiques issus de diverses disciplines, dont la spécificité est de mobiliser la science-fiction comme une forme pratique d’enquête sur soi ou sur le monde qui nous environne. »

Le premier numéro de cette revue2, sous-titré « Récits, analyses et critiques de science et de science-fiction », est consacré au thème des multiversalités. On y trouvera des nouvelles (dont des inédites, en français, de Philip K. Dick et Larry Niven : si, si, c’est possible !) et des essais, dont « Le multivers est-il le lieu ou l’originalité va mourir ? » de Stephanie Burt.

Pour les curieux, voici quelques extraits tirés du texte introductif de la revue, « La science-fiction n’est pas une littérature comme les autres », de Julien Wacquez, directeur de la collection :

Sur la question de la définition (impossible) de la SF :

« … c’est dans l’impureté d’un texte que résident son caractère et sa qualité de science-fiction – dans le doute qu’il instille sur sa forme, les codes d’écriture et de lecture qu’il brise ou qu’il déplace, les emprunts et les mélanges qu’il opère. » (p. 20)

« Pourquoi la catégorie de science-fiction a-t-elle connu le succès qu’elle a connu ? Pourquoi est-ce précisément celle-ci que nous avons collectivement choisie et pas une autre ? C’est parce qu’elle permet aux écrivaines et aux écrivains qui, d’un côté, cherchent la rigueur scientifique de ne pas abandonner toute ambition littéraire et, d’un autre côté, à celles et ceux qui cherchent un style et une sensibilité littéraire de ne pas abandonner la science. » (p. 21)

À propos du thème de cette première revue Multiversalités :

« L’idée de multivers semble relativement simple. Et parce que les scientifiques s’y intéressent sérieusement, on pourrait s’attendre à ce que leur travail apporte des précisions, des éclaircissements supplémentaires sur ce dont il s’agit – et c’est bien le cas. Mais à y regarder de plus près, on se rend vite compte qu’il existe, même chez les scientifiques, une très grande gamme de multivers différents, qui ne se recoupent pas nécessairement les uns les autres. Il y a de la multiplicité dans le multiple lui-même, de la diversité dans les manières de multiversaliser – d’où le choix qui a été fait pour le titre de ce livre, Multiversalités. » (p. 25)

« C’est ce qu’on appelle un objet controversé : il y a des gens pour défendre l’idée selon laquelle le multivers existe réellement et d’autres qui, au contraire, remettent en cause la scientificité même de cette idée. » (p. 27)

« Ce livre adopte donc une autre démarche : il essaie de comprendre, à travers des exemples, en quoi les récits de science-fiction, allant là où les scientifiques ne peuvent se rendre (mais là où ils tendent néanmoins), éclaircissent les enjeux de leur travail. Il essaie de montrer l’existence d’une communauté de pensée et de spéculation sur le thème du multivers – une communauté silencieuse, unie par les textes – composée d’écrivains et d’écrivaines de science-fiction, de scientifiques, philosophes et anthropologues, qui explore ses conséquences épistémologiques ou métaphysiques. » (p. 30)

J’espère que ces quelques extraits vous auront donné envie, comme à moi, d’en découvrir davantage.

Souhaitons plein succès à cette revue qui montre qu’il est possible, encore (enfin ?) aujourd’hui, d’avoir de l’ambition dans le monde de la SF !

1 Présentation de la revue sur le site de l’éditeur : Angle Mort, éd. L’œil d’Or (loeildorenligne.com)

2 Multiversalités, éd. L’œil d’or, 2024.