On l’avait découverte au début des années 2000, avec Lock, une série d’aventure au look un peu steam-punk, un peu SF, un peu fantasy également. Mais c’est avec sa série suivante, Ashrel, que Valentine Pasche, dit Valp, s’est vraiment fait un nom. Est-ce que parce qu’elle s’est ouvert les portes d’un grand éditeur, avec Delcourt ? Est-ce par le choix d’une aventure plus purement fantasy qui a su trouver son public ? Est-ce que parce que son graphisme a atteint sa maturité ? Les trois sans doute, et bien plus encore. La Genevoise de 37 ans, qui a quitté Genève pour le canton de Vaud, a du talent et du style à revendre, avec la particularité d’être une artiste complète : le scénario, c’est elle, le dessin, c’est elle, les couleurs, c’est elle aussi. Cette maîtrise de l’ensemble explique en grande partie la cohérence de ses séries et leur identité visuelle commune. Valp a obtenu le prix Töpffer en 2009 alors que paraît le premier des 4 tomes d’Ashrel. Voici pour mieux la découvrir un extrait, en grande partie inédit, d’une interview réalisée l’année suivante.
Comment es-tu entrée dans la bande dessinée ?
Au départ, j’hésitais entre la bande dessinée ou les scénarios de films, voire la réalisation. J’avais d’abord postulé à l’ECAL de Lausanne, en section cinéma, pour finalement être retenue en design graphique. Au final, je n’y suis pas allée. J’avais déjà préparé quatre story-boards durant les ateliers des Arts déco et un ami m’avait présenté à l’éditeur Pierre Paquet. Je lui ai montré mes story-boards et il a accepté de me prendre à l’essai. Au final, il me fallait un métier où je pouvais dessiner, j’imaginais l’un ou l’autre, et ça a été la BD.
Du coup, tu t’es formée en autodidacte ?
Oui, car il n’y avait pas de formation en BD aux Arts déco. Juste quelques cours de dessin académique. On apprend surtout de ce qu’on lit et sur le tas, notamment en rencontrant d’autres dessinateurs avec qui on échange des infos.
Tu te vois des influences en bande dessinée ?
C’est toujours difficile de choisir car il y a tellement de bons artistes. De plus, chaque jour j’en découvre de nouveaux via les réseaux sociaux, comme Instagram par exemple. Mais je citerais Jeff Smith, avec Bone, Becky Cloonan ou Terry Dodson qui travaillent pour les comics, la grande Claire Wendling et ses superbes carnets de croquis, le regretté Michel Plessix, Béatrice Tillier et ses superbes couleurs… Ce sont tous de grands artistes qui font un travail admirable et c’est très motivant.
Qu’est-ce qui fait pour toi une bonne histoire ?
Essayer de surprendre le lecteur en créant une histoire originale qui soit également capable de lui parler. Créer des personnages complexes, attachants. Créer une dynamique entre eux, les faire évoluer en faisant évoluer le scénario. Et amener de l’inattendu. C’est qui est le plus difficile et le plus intéressant de mon point de vue.
Lock était une bande dessinée plutôt ado/adulte. Avec Ashrel, tu t’adresses a un public plus jeune, non ?
C’est pour les enfants, mais aussi pour les ados et les adultes. Pou moi, ça englobe les trois. C’est important que tout le monde y trouve son compte, qu’on puisse mettre tout un panel d’émotions, de gravité et de légèreté. J’aimerais faire une histoire qui puisse convenir à tous les âges, qui plaise autant aux adultes qu’aux plus jeunes, car c’est ça que j’aime lire. Mais l’étiquette « pour enfant » n’est pas péjorative pour moi. J’ai de très bons souvenirs de bandes dessinées pour enfants qui marquent à jamais.
Tout dépend de ce qu’on fait. On peut parler de différentes manières à un enfant. On peut s’adresser à lui comme à une personne intelligente et lui proposer une bonne histoire. Enfant, les histoires que j’aimais n’étaient pas forcément les plus tendres. L’histoire sans fin, c’était violent. Les Goonies, ça jurait beaucoup. Un bon aspect des années 80, c’est qu’on ne faisait pas des histoires qui prenaient les enfants pour des idiots. On retrouve ça aussi dans Harry Potter.Les enfants aiment bien aussi avoir peur, qu’il y ait des grossièretés, etc. On le recherchait quand on avait leur âge. Mais j’aimerais aussi une fois faire de la fantasy plus adulte. Ca me plairait beaucoup.
On voit beaucoup de sorties en fantasy, comment expliquer cet engouement récent ? C’est la désillusion du monde moderne ?
Oui, sûrement. Depuis les années 90, il y a eu beaucoup d’engouement pour le fantastique. En temps de crise, les gens ont besoin de s’évader, de rêver, de partir ailleurs. Malgré tout, je pense qu’il y avait déjà un public avant la crise. On voit notamment aujourd’hui toute cette génération de personnes qui ont grandi avec les mangas, les jeux de rôles et les jeux vidéos. Ca crée toute une génération de 20 à 35 ans qui a évolué avec ce milieu. Ils ont ça dans leur biberon depuis qu’ils sont nés. Et je m’inclus dedans.
Aujourd’hui, l’artiste s’attelle à une série steam-punk, avec Les Fantômes de Neptune. Une histoire qui mêle exploration spatiale et guerre franco-prussienne du XIXème siècle… Son premier tome lui a valu de se retrouver parmi les trois finalistes du Prix BD Zoom de 2016. Le 2ème, Kheropis, est paru en mai 2017. Et en attendant la suite, on vous laisse découvrir cette héroïne, inspirée de son univers, venant illustrer la carte de membre AMDA 2018.