L’artiste de la carte de membre 2025 : Sandrine Pilloud

Pour la carte 2025, le nom de Sandrine Pilloud nous a été soufflé par Lionel Tardy, avec la découverte de son livre Terres Sauvages dont elle a réalisé la couverture et les illustrations. Le trait de cette Lausannoise se démarque par son style original, coloré et rempli de vie. Un trait que l’on constate aussi dans l’illustration conçue pour la carte, mêlant paysage suisse traditionnel bucolique et décalage SF. Rencontre avec l’artiste.

Quel est votre parcours artistique ?

J’ai débuté à l’âge de 8 ans, en prenant des cours de peinture et dessin chez une artiste peintre. Après la scolarité obligatoire, il m’était assez clair que je voulais suivre une voie dans le visuel. Je me suis inscrite à l’ERACOM à Lausanne en tant que Conceptrice en Multimédia (aujourd’hui Interactive media designer). Je suis ensuite partie à Los Angeles, afin d’approfondir le dessin axé spécifiquement pour le jeu vidéo et les films dans diverses écoles (Gnomon, Concept Design Academy, Red Engine), sélectionnant les cours qui m’intéressaient le plus. Là, je suis revenue sur les fondamentaux du dessin (observation, perspective, gestion de la lumière, des couleurs, etc.) mais j’ai aussi beaucoup appris sur les techniques numériques et le design d’objet, d’environnement, de personnages, de créatures, propres à l’industrie du divertissement. Cette période de ma vie fait partie des piliers qui me définissent aujourd’hui professionnellement, tant la qualité des cours était bonne et proche du monde réel de la production.

De retour en Suisse, j’ai travaillé sur des projets de jeux vidéo notamment pour Sunnyside Games, ou sur le jeu vidéo Colorful Darkness pour lequel j’étais directrice artistique. Mon emploi du temps actuel se partage entre une partie à mon compte en tant qu’illustratrice, et une partie en entreprise où je suis graphiste et illustratrice !

Une préférence entre ces différents domaines d’expression artistique ?

Je dirais que mon intérêt initial et principal était plutôt axé jeux vidéo, mais que je me suis adaptée aux demandes qui me sont parvenues professionnellement, d’où davantage d’édition et de mandats illustratifs. Ce qui n’est pas pour autant moins passionnant ! J’ai plaisir à travailler dans ce milieu et je suis heureuse d’avoir suffisamment de demandes pour pratiquer mon métier. Si à l’avenir j’avais plus de projets de jeux vidéo, j’en serais malgré tout ravie.

Vous avez un style assez personnel, riche en couleurs, jouant sur le flou et les détails à la fois. Quelles ont pu être vos sources d’inspiration ?

Je pense avoir un intérêt particulier pour la réalisation d’images qui transportent le spectateur (moi y compris) dans une ambiance, dans des univers qui font ressentir des émotions, et ceci passe en bonne partie par les couleurs et la gestion des ombres et des lumières. Ce sont des aspects que j’aime beaucoup travailler et prendre le temps d’approfondir.

J’ai aussi toujours été attirée par les œuvres des anciens maîtres de la peinture à l’huile. Ils me fascinent, ils ont l’art de maîtriser ce qui doit être net et de capter l’œil, de laisser les zones sur lesquelles l’œil doit juste se balader sans s’y arrêter, afin de créer une image équilibrée, agréable à regarder et pleine de ressenti. Je ne prétends pas y arriver à la perfection, mais ce sont des valeurs qui m’inspirent et que je garde toujours en tête lorsque je réalise un visuel.

Vos travaux, notamment en jeux vidéos, concernent des univers de science-fiction. Ailleurs, on découvre aussi une attirance pour la fantasy. Illustrer l’imaginaire était une évidence pour vous ?

Je ne sais pas si c’est quelque chose qui a toujours été présent chez moi ou si cela m’a été révélé durant ma jeunesse en jouant à Zelda, à Final Fantasy ou en regardant les films du studio Ghibli, mais le résultat est que ces univers m’ont toujours beaucoup fascinée et que j’ai très vite eu envie de les mettre en image. Je pense qu’il y a également un lien au voyage et à la découverte du monde, d’autres civilisations qui me touchent et me donnent envie d’illustrer ce qui n’est pas de chez nous. Cerise sur le gâteau, utiliser la créativité pour créer quelque chose qui n’existe vraiment pas, où tout (ou presque) est possible !

Carte de membre AMDA 2025

Qu’est-ce qui vous a inspiré pour la carte de l’AMDA 2025 ?

D’une manière générale, je préfère illustrer les environnements que les personnages. A côté de ma passion pour le dessin, je fais beaucoup de montagne et j’ai donc l’occasion d’admirer de magnifiques paysages et une nature que j’ai très souvent envie d’interpréter en image. Et j’aime apporter un petit twist à ces images plus traditionnelles, afin qu’elles racontent une histoire.

Un souvenir de la Maison d’Ailleurs ?

Mon lien avec la Maison d’ailleurs est en fait très important et a été révélateur pour le choix de ma carrière. Je me souviens être allée voir l’exposition de Christian Scheurer, avec entre autres ses réalisations pour Final Fantasy 9, et avoir pris conscience qu’il était possible de faire de cette passion un peu hors norme son métier ! Je suis repartie avec deux magnifiques posters et j’ai entamé mes recherches pour pouvoir suivre cette voie moi aussi.

Quelques mots sur vos projets à venir ?

Depuis plusieurs années, j’illustre les livres de Lionel Tardy pour les aventures de Kanako Sawada, une jeune recrue qui évolue dans un Japon post-cataclysmique. Nous sommes en train de travailler sur une suite au premier tome qui est sorti l’année passée [en 2023, ndlr]. En ce moment, je garde exceptionnellement un peu de temps pour des projets personnels qui me tiennent à cœur et qui passent souvent en second plan.

–> Site internet de Sandrine Pilloud : www.barbo.ch

Vincent Gerber
Publié dans D’Ailleurs Infos, N°38, 2025.