Coup de projecteur sur la SF australienne

Quand on pense à l’Australie, ce sont les plages de sable blanc, l’outback, les araignées et les requins géants qui nous viennent d’abord en tête. En mode cinéma SFFF, on pensera évidemment à Mad Max. Les plus experts se souviendront également que Matrix et les épisodes II & III de Star Wars y ont été réalisés.

Mais l’Australie est également un terreau fertile pour les auteurs de science-fiction. Si les paysages uniques ont leur importance dans les œuvres produites, l’histoire politique du continent a également joué un rôle majeur. Le rapport complexe du pays à la colonisation et aux premiers peuples – les aborigènes et insulaires du détroit de Torres – ainsi que l’influence de politiques comme la « White Australia Policy », un ensemble de lois et de politiques raciales mises en place pour limiter l’immigration non-européenne en Australie, aura généré son lot de récits teintés par le racisme et la xénophobie, mais également explorant l’altérité.

L’interdiction des pulps en Australie dans les années 1930 a eu un rôle paradoxalement positif dans le développement de la science-fiction australienne. Selon le ministre des douanes de l’époque : « Certaines publications importées en Australie n’ont aucune valeur littéraire ou intellectuelle et sont manifestement publiées pour satisfaire ceux qui cherchent à assouvir des goûts pervertis pour la morbidité, le sadisme, la sensualité, etc. ».

Les romans de pulp fictions, les bandes dessinées, les magazines et le matériel pornographique étaient ainsi considérés comme une menace, non seulement pour la morale et la culture, mais aussi pour les normes littéraires de l’Australie. La Seconde Guerre mondiale a également participé à limiter l’accès aux récits importés, qui n’ont réellement accédé au marché que vers la fin des années 1950 pour cause de léthargie gouvernementale. Cette situation pourtant limitative a eu pour effet d’encourager les écrivains locaux à développer un genre propre, influencé par leur culture et leurs expériences, permettant à la science-fiction australienne de se forger une identité distincte et de contribuer de manière significative à la littérature de genre à l’échelle internationale.

Aujourd’hui, plusieurs auteurs australiens se distinguent :

Greg Egan – Mathématicien sorti de l’Université d’Australie-Occidentale à Perth, athée et végétarien, l’homme est discret. Il est connu pour ses écrits de hard SF, notamment son recueil de nouvelles Axiomatique et ses romans Permutation City et Diaspora, qui explorent notamment les frontières de la réalité virtuelle et de la singularité technologique.

Sean Williams – Auteur prolifique vivant à Adélaïde et encensé par le New York Times – plus de 120 nouvelles publiées et cinquante romans ! – ses récits mêlent space opera et technologies futuristes. Ses œuvres primées incluent The Resurrected Man et Metal Fatigue. On lui doit les séries Evergence, Orphans, Geodesica, Astropolis, Twinmaker et New Jedi Order.

Claire G. Coleman – Coleman a fait sensation dans le paysage littéraire en 2017 avec son premier roman, plusieurs fois primé, Terra Nullius. Descendante du peuple Wirlomin-Noongar, Coleman examine les questions du colonialisme – un thème particulièrement sensible en Australie – à travers ses mondes de science-fiction soigneusement construits.

Amie Kaufman – Originaire de Melbourne, son premier roman, These Broken Stars, a été reconnu comme l’un des meilleurs livres de SF pour jeunes adultes. Elle a également co-écrit la trilogie Starbound avec Megan Spooner et a collaboré avec des auteurs de renom tels que Jay Kristoff pour la trilogie The Illuminae Files et la duologie Unearthed.

Kenneth Bedford – Établi à Fremantle, Bedford est surtout connu pour son humour et ses intrigues mystérieuses. Time Machines Repaired While U-Wait est son roman le plus vendu, et il a également remporté le prix Aurealis du Meilleur Roman de Science-Fiction pour Orbital Burn ainsi que pour Hydrogen Steel.

Moins réputée que ses homologues américaines ou britanniques, la SF australienne gagne à être connue, véritable laboratoire d’une littérature cherchant à faire bouger les lignes dans des domaines aussi importants que la colonisation, la place des peuples premiers, le racisme ou encore la géopolitique d’une île au caractère parfois martien. Sorti en 2022, This All Come Back Now est d’ailleurs la première anthologie jamais réalisée de fiction spéculative aborigène et des îles du détroit de Torres. L’ouvrage a été décrit comme « un acte radical de subversion et de souveraineté intellectuelle en transformant un genre qui a défini les attitudes occidentales envers la race, le colonialisme et la technologie en un véhicule de continuité, de résilience et de résistance des Premières Nations. »

De la SF comme on l’aime ! Pour en savoir plus, rien de tel que de parcourir la base de données de science- fiction australienne : sfadb.com/Aurealis_Awards_Winners_By_Year

Par Tristan Piguet, notre envoyé spécial en Australie