Tous ceux qui ont lu Dune connaissent la fibre écologique du roman : une planète de sable, traversée de vers géants. Une planète où survivent des tribus fremens, qui récoltent l’eau à travers l’humidité de l’air capturée par des pièges à vent, tous habités par le projet de voir, un jour, la végétation pousser.
Mais saviez-vous qu’Herbert lui-même, à côté de sa plume, s’était lancé dans l’agriculture écologique ? En 1972, sept ans après la parution de Dune et alors qu’il vient de quitter son poste de journaliste au Seattle Post-Intelligence pour se consacrer entièrement à l’écriture, Frank Herbert et sa femme se retirent dans une ferme de 6 acres (2,42 hectares, soit 24’000 m²) à Port Townsend, au nord-ouest de Seattle. « Un projet de culture écologique destiné à prouver qu’il est possible d’obtenir des rendements satisfaisants en limitant considérablement tout apport en énergie externe » en disait Gérard Klein, dans Frank Herbert, le Prophète des sables.
Alors, Frank Herbert, pris par la vague hippie du retour à la terre des années 1970 ? Peut-être. A l’instar de plusieurs communautés avant-gardistes de la côte est nées à la même époque, il a cherché à développer des techniques d’agriculture biologique à haut rendement et à développer des technologies renouvelables. On lui doit notamment d’avoir imaginé et développé une éolienne de petite taille permettant produire de l’électricité, pour laquelle on lui décernera un brevet, ainsi que l’utilisation de panneaux solaires (encore très rares à l’époque). La propriété disposait d’un petit lac et les Herbert possédaient quelques pieds de vigne. Ils élevaient également des volailles, et le méthane tiré de leur fumier leur apportait un surplus d’alimentation électrique.
L’expérience a néanmoins tourné court avec le cancer de la femme de Herbert et, vers 1980, le couple achète une nouvelle maison à Hawaï, où ils passent la moitié de l’année jusqu’à la mort de Beverly Herbert en 1984. Herbert lui-même décédera deux ans plus tard. A l’époque, la retraite au soleil a fait quelque peu jaser. Pascal J. Thomas, commentant les sommes reçues par plusieurs grands anciens de la SF américaine sur le retour, écrira, un peu moqueur : « [Frank Herbert] s’est installé à Hawaï, sans doute grâce aux royalties de la série Dune. Un million et demi de dollars pour un cinquième volume dont le premier mot n’était pas encore écrit, c’est coquet. Ça permet de laisser tomber sans arrière-pensée les fermes écologiques de l’Oregon. »
Pourtant, Frank Herbert ne faisait que suivre malgré lui la prophétie de Dune à rebours, passant du jardin luxuriant et nourricier pour finir les pieds dans le sable…
Vincent Gerber
Source : William F. Touponce, Frank Herbert, Twayne Publ., pp. 6-7 ; Pascal J. Thomas, « Le Retour des Barbes blanches », in Univers 1983, p. 202-203.