L’Observatoire de l’imaginaire

Vous ne le connaissez sans doute pas, et pourtant il vous scrute et cherche à vous comprendre. Lui, ce n’est pas Big Brother, mais bien l’Observatoire de l’imaginaire, un groupe informel institué pour donner suite aux États généraux de l’imaginaire qui se sont tenus aux Utopiales de Nantes en 2017. Son but : répondre à un certain nombre d’interrogations, de préjugés parfois, à travers une compilation des données statistiques du milieu. Autrement dit, poser un regard (objectif et référencé) sur la réalité éditoriale et économique de cet « écosystème » des littératures de l’imaginaire (autant science-fiction que le fantastique et la fantasy), avec en arrière-fond l’espoir d’apporter des clés capables d’aider à leur promotion.

Depuis 5 ans, l’Observatoire délivre un rapport annuel sur le nombre de titres publiés (nouveautés & rééditions), les chiffres des ventes, les répartitions de genre en son sein ou encore la place dans les médias. Composé aujourd’hui d’une douzaine de personnes, il s’appuie sur les chiffres fournis par le site encyclopédique Noosfere, mais aussi la base en ligne BDFI et les données de ventes de l’institut GFK, en plus d’éplucher la presse généraliste. L’Observatoire a également réalisé en 2021 un vaste sondage portant sur le lectorat des genres de l’imaginaire et a produit une carte de l’imaginaire en France1.

Des chiffres, c’est bien, mais qu’ont-ils apporté ? Eh bien quelques surprises malgré tout : saviez-vous que le nombre de parutions tourne autour de 1400 titres par an (romans adultes), dont 800 inédits (plus quelques dizaines d’essais), qu’il se produit plus de science-fiction que de fantasy et que 55 à 60 % de la production est francophone ? On n’aurait guère pensé non plus que le chiffre d’affaires global du milieu, après une légère diminution, a globalement augmenté depuis 2016, passant de 50 millions à près de 60 millions pour 2021 et 2022. On retrouve là néanmoins l’effet positif du confinement, les années à venir devraient marquer un recul.

En terme de parité, le nombre de titres écrits par des femmes est en constante augmentation et serait majoritaire depuis 20202. Une grande différence intervient depuis cette même année 2020 dans l’attribution des prix (effet post-#metoo ?), avec des chiffres beaucoup plus proches de la parité alors qu’ils évoluaient entre 20 et 35 % jusque-là. En termes de présence dans les médias, globalement, les genres de l’imaginaire représentent 4 % des articles produits, avec qui plus est une récurrence des mêmes titres locomotives (on citera Les Furtifs de Damasio ou L’Anomalie, le prix Goncourt d’Hervé Le Tellier). Plus inquiétant, même si c’est loin d’être une surprise, il y a une prédominance (plus de 75 %) d’articles pour des titres sortis chez des éditeurs généralistes. Peut mieux faire, donc.

Des bonnes nouvelles ? Sur cinq ans, on observe 8 nouveaux festivals en France, 22 nouveaux éditeurs (contre 16 disparus), 10 nouvelles collections spécialisées (3 arrêtées). De quoi se rassurer (un peu) sur l’intérêt et le dynamisme de la scène imaginaire…

Vincent Gerber

1 À retrouver sur la page « Liens » de notre site.

2 Dans les trois genres de l’imaginaire confondus. Si on compare par genre, les hommes écrivent majoritairement de la SF, les femmes beaucoup plus de fantastique, parité en fantasy selon BDFI.