Il est des choses immuables en ce bas monde, de ces choses que le monde de la presse appelle vulgairement « marronniers ». La neige en hiver, la plage en été, les augmentations de prime d’assurance maladie ou une mort violente dans Game of Thrones.
Si ce genre de sujets sert en général à remplir une colonne désespéramment vide, il arrive parfois que le marronnier cache une forêt autrement plus intéressante.
C’est le cas du prix Goncourt de 2017, attribué à L’Ordre du jour d’Eric Vuillard. Ce qui rend remarquable le prix de cette année, ce n’est ni le raout qui est fait autour du dîner durant lequel sera attribué le prix, ni l’assurance pour la maison d’édition gagnante d’augmenter les ventes de la production de l’un de ces poulains. Ce que le millésime 2017 a de particulier se trouve dans les titres qui auront été présentés au jury. S’inscrivant dans le démarche de promotion de la littérature dite « de l’imaginaire » dans la sphère francophone1, pas moins de cinq maisons d’édition spécialisées dans la science-fiction et / ou la fantasy ont envoyé un livre à l’académie Goncourt.
Il s’agit de :
La Fée, la pie et le printemps d’Elisabeth Ebory, chez ActuSF
Le Temps de Palanquine de Thierry Di Rollo, chez Le Bélial
Santinka de Sylvie Miller, chez Critic
Pierre-fendre de Brice Tarvel, chez Les Moutons électriques
Petit Blanc de Nicolas Cartelet, chez Le Peuple de Mü
Le communiqué commun de ces maisons d’édition tenait à rappeler que, selon la définition d’origine, le prix Goncourt doit récompenser : « Le meilleur roman d’imagination dans son fond et dans sa forme », et que le premier roman qui l’a reçu en 1903 était un roman de science-fiction : Force ennemie de John Antoine Nau.
Bien qu’aucun de ces romans n’ait été retenu dans la sélection finale, cette action aura au moins eu le mérite de faire parler d’elle, et, qui sait, aura peut-être été le premier pas vers la reconnaissance de la légitimité des littératures dites de l’imaginaire à briguer une place au côté de la littérature « blanche » dans la course aux prix littéraires.
Sébastien Lê
1 Au mois de février 2017, un premier rassemblement d’éditeurs français a abouti à la création du Syndicat National des Editeurs Indépendants de l’Imaginaire.