Sébastien Perroud, dit PET : portrait

Né en 1969 à Vevey, PET, aujourd’hui surnommé le Corridor Cosmique, se passionne dès son plus jeune âge pour le dessin. Après sa scolarité, il s’oriente vers un apprentissage de décorateur-étalagiste, métier qui lui permet de faire vivre ses idées aux yeux de tous. Mais il n’en reste pas à cette vitrine, ce monde figé par l’attente des grandes enseignes, et décide, en 1992-1993, de participer à un concours de jeunes talents lors de feu le festival BD de Sierre où il obtient le cinquième prix avec ses planches. Cette consécration l’incitant à persévérer, il réalise alors sa première BD de 82 pages avec Renaud Mignot, œuvre qui ne sera jamais éditée.

En 1999, il rencontre Dominique Willemin avec lequel il collabore sur l’album J’ai épousé une communiste qui sort aux éditions Paquet en 2003, et sera réédité en noir/blanc en 2010 avec la sortie du tome 2.

Il enchaîne et publie en 2004 « Le Botaniste », une commémoration du Jardin botanique de Genève, toujours aux éditions Paquet.

Entre 2008 et 2013, sous le nom du Corridor Cosmique, il publie pour le journal 24Heures des dessins sous la rubrique « Esprit des lieux ». Des endroits dans le canton de Vaud choisis par le quotidien qu’il fait vivre grâce à son talent. C’est là que naît vraisemblablement son choix de devenir postier, métier qu’il exerce aujourd’hui encore à 60%.

2017, c’est l’année où il publie chez Hélice Hélas une bande dessinée pédagogique, « Yoko-ni », écrite par Christian Denisart et Eugène, qui fut à l’origine une pièce de théâtre. Ce sera la dernière BD de Sébastien Perroud : après celle-ci, il ne se consacrera plus qu’aux montages mêlant photographies et figures dessinées, technique développée durant des années pour notre plus grand plaisir.

Interview

À Mont-la-Ville, dans sa maison juchée au pied des massifs du Jura, dans une ambiance sereine, nous retrouvons PET, le Corridor Cosmique, devant une bière locale ambrée.

Pourquoi PET, et ensuite le Corridor Cosmique ?

(Rires). PET c’est la signature de bande dessinée, un surnom d’amis et d’enfance surtout, mais qui, au fil du temps, est associée à une signature de dessins humoristiques. Le Corridor Cosmique c’est un concept plutôt qu’une signature.

Comment t’est venue l’idée d’associer photographie et dessin ?

Depuis tout jeune j’aime dessiner. Des lignes claires des bandes dessinées de mon enfance, je suis passé aux ombres, aux clairs-obscurs, traits que j’ai pu affiner pour la BD. Au fil du temps, j’y ai associé la photographie, un art que j’affectionne particulièrement et que j’exerce en amateur. L’idée d’associer les deux a toujours été omniprésente dans mon travail, mais elle est finalement née avec un concours international sur Internet, Talent House « Dessine sur tes photos ». J’y avais présenté 5 planches et comme j’avais été bien placé, ça a été le déclic. C’était pour moi une autre approche des images et ça me permettait d’intégrer mes planches de dessins.

Carte 2024 – Corridor Cosmique

Comment te vient l’idée de l’œuvre ? Est-ce d’abord la photographie ou l’idée du personnage ?

Je fais beaucoup de photos et de dessins en vrac, j’essaie de les intégrer les unes aux autres. À force de tentatives, je suis parfois surpris. C’est un peu une exploration. Je dessine au crayon sur papier, mais applique la couleur avec Photoshop. J’ai utilisé la technique de la couleur directe pour la bande dessinée et l’illustration, c’est-à-dire pinceaux et peinture sur papier, jusqu’en 2008.

Quel est le temps consacré à une illustration ?

Chacune me prend environ 2 jours de travail. Retravailler l’image, créer le personnage en dessin. Ma volonté est de rester sur un côté minimaliste sur chaque œuvre avec un, voire deux, personnages sur une photographie. Il s’agit de jouer avec les perspectives, les ombres projetées, c’est le travail le plus long à réaliser : la finalisation.

Quelles sont tes références en matière de bande dessinée ?

Bien sûr j’ai commencé par lire les bandes dessinées classiques, Spirou, Tintin, etc. Mais avec le temps, je suis devenu plus exigeant et critique envers les dessins. J’ai été très intéressé par le travail d’Enki Bilal et de Moebius, où chacune de leur case peut être considérée comme un tableau à part entière. C’est surtout l’œuvre d’Enki Bilal que je trouve la plus fascinante. Celle parfois délirante de Boucq m’impressionne aussi.

Et en matière de SF ?

J’aime beaucoup la SF mais ai rarement été surpris ou vraiment conquis par les histoires. J’aime beaucoup les représentations, les décors, la photographie et, si je dois donner une référence, c’est le Blade Runner de Ridley Scott. Il y a évidemment aussi Steven Spielberg ou John Landis qui ont leur propre univers représentatif. Dans la SF, il y a beaucoup de choses que je trouve moyennes. On mise surtout sur le visuel au détriment de l’intrigue comme dans Star Wars par exemple. Enfin, c’est mon avis.

Comment qualifies-tu tes œuvres ?

Certains peuvent y voir de la SF. En ce qui me concerne, j’associe plus facilement mes œuvres au monde fantastique. La thématique est toujours orientée vers des paysages du quotidien auxquels j’intègre des éléments fantastiques.

Pour la carte de membre 2024, qu’est-ce qui t’a incité à changer les codes d’une vue de face de la Maison d’Ailleurs ?

Principalement une question technique. Après y être retourné plusieurs fois, je me suis rendu compte que la lumière n’était pas bonne, du moins, je n’étais pas satisfait par l’éclairage sur la façade principale. Du coup, je me suis placé dans la rue adjacente et, après plusieurs tentatives, la lumière sur la tour du château me paraissait meilleure. C’est comme ça qu’est née l’idée. Purement un point de vue technique.

Et comment conjugues-tu ton activité avec celle de facteur ?

C’est justement mon travail de postier à 60% qui me permet de dégager du temps pour poursuivre mes activités créatrices.

Que penses-tu de l’émergence des IA dans le domaine de l’illustration ?

Je trouve le rendu magnifique, je voulais même collecter des images comme sources d’inspiration. Et puis je me suis rendu compte que parfois ceux qui exécutaient les images n’avaient pas nécessairement de connaissances dans les disciplines d’illustrateur ou de dessinateur. Je regrette qu’on retrouve souvent des images trop parfaites, trop lisses, sans la texture, la « patte » de l’artiste.

Pour tout savoir sur Corridor Cosmique : www.corridor-cosmique.ch

Kurt