Prix Goncourt de SF

Il est des choses immuables en ce bas monde, de ces choses que le monde de la presse appelle vulgairement « marronniers ». La neige en hiver, la plage en été, les augmentations de prime d’assurance maladie ou une mort violente dans Game of Thrones.

Si ce genre de sujets sert en général à remplir une colonne désespéramment vide, il arrive parfois que le marronnier cache une forêt autrement plus intéressante.

C’est le cas du prix Goncourt de 2017, attribué à L’Ordre du jour d’Eric Vuillard. Ce qui rend remarquable le prix de cette année, ce n’est ni le raout qui est fait autour du dîner durant lequel sera attribué le prix, ni l’assurance pour la maison d’édition gagnante d’augmenter les ventes de la production de l’un de ces poulains. Ce que le millésime 2017 a de particulier se trouve dans les titres qui auront été présentés au jury. S’inscrivant dans le démarche de promotion de la littérature dite « de l’imaginaire » dans la sphère francophone1, pas moins de cinq maisons d’édition spécialisées dans la science-fiction et / ou la fantasy ont envoyé un livre à l’académie Goncourt.

Il s’agit de :

La Fée, la pie et le printemps d’Elisabeth Ebory, chez ActuSF

Le Temps de Palanquine de Thierry Di Rollo, chez Le Bélial

Santinka de Sylvie Miller, chez Critic

Pierre-fendre de Brice Tarvel, chez Les Moutons électriques

Petit Blanc de Nicolas Cartelet, chez Le Peuple de Mü

 

Le communiqué commun de ces maisons d’édition tenait à rappeler que, selon la définition d’origine, le prix Goncourt doit récompenser : « Le meilleur roman d’imagination dans son fond et dans sa forme », et que le premier roman qui l’a reçu en 1903 était un roman de science-fiction : Force ennemie de John Antoine Nau.

 

Bien qu’aucun de ces romans n’ait été retenu dans la sélection finale, cette action aura au moins eu le mérite de faire parler d’elle, et, qui sait, aura peut-être été le premier pas vers la reconnaissance de la légitimité des littératures dites de l’imaginaire à briguer une place au côté de la littérature « blanche » dans la course aux prix littéraires.

Sébastien Lê

1 Au mois de février 2017, un premier rassemblement d’éditeurs français a abouti à la création du Syndicat National des Editeurs Indépendants de l’Imaginaire.

La SF sur les écrans : saison 2

Comme annoncé lors du dernier D’Ailleurs Infos, 2017 a été une année riche en adaptations et en créations de science-fiction sur petit ou grand écran1. Et 2018 nous réserve encore bien des surprises pour le plus grand plaisir des fans. Découvrez pour la seconde fois ce que nous préparent les studios et les bruits qui circulent au coin de « la toile ».

Gunnm / Alita : Battle Angel

Après des années de rebondissement concernant l’adaptation du manga cyberpunk mythique des années 90 de Yukito Kishiro Gunnm, on a appris que c’est finalement Robert Rodriguez qui en assurera la réalisation sur grand écran. Sous le titre de Alita : Battle Angel, on découvrira les aventures de la cyborg Gally2 (Alita3), survivant tant bien que mal dans un futur post-apocalyptique. Si on fait confiance au réalisateur pour rendre compte à l’écran de la violence et de la noirceur de l’œuvre originale, on espère qu’il saura aussi s’inspirer des questionnements philosophiques concernant la quête de l’identité et la définition de l’être humain que propose le manga. Sortie prévue en juillet 2018.

Ready Player One

Les droits d’adaptation du roman d’Ernest Cline Ready Player One avait été acquis par la Warner Bros un an avant la parution officielle du roman en 2011. C’est dire si les studios avaient flairé un futur succès. Il faut dire qu’ils prenaient relativement peu de risques en surfant sur la vague de la nostalgie et de la redécouverte de la pop-culture des années 80-90. Car c’est bien un roman de fan des 80’s et 90’s dont il s’agit. Dans un monde futuriste en déliquescence, la majeure partie de la population humaine ne vit que dans un univers virtuel appelé Oasis, doux mélange entre World of Warcraft et Second Life. Bourrés de références musicales, cinématographiques, télévisuelles et vidéoludiques de la pop/geek-culture, l’adaptation, si elle est faite correctement, promet un succès populaire énorme. Et avec Steven Spielberg, il y a peu de risques d’être déçu. Sortie prévue en mars 2018.

Lost in Space

Dans ce remake de la série éponyme des années 60, on retrouve les aventures de la famille Robinson, partie coloniser une lointaine planète. Suite à une attaque, leur vaisseau chute dans une faille spatio-temporelle. On suivra alors le combat de cette famille pour retrouver les autres colons en même temps qu’elle découvre l’univers étrange dans lequel elle s’est retrouvée projetée. Distribués par Netflix, les 10 premiers épisodes devraient être accessibles à partir de mai 2018.

Snowpiercer

Cette nouvelle adaptation4 du roman graphique de Jacques Lob et Jean-Marc Rochette Le transperceneige, sera diffusée à la télévision en 2018. Sur une planète recouverte de glace et de neige, des femmes et des hommes tentent de survivre tant bien que mal à bord d’un train en perpétuel mouvement autour du globe. Entre mutineries, incidents techniques et choix cornéliens dont dépendent la survie des passagers, cette première saison devrait être riche en rebondissements. La date de sortie n’est à ce jour pas encore connue.

Les bruissements au coin du net

Robopocalypse : Steven Spielberg, encore lui, travaillerait sur l’adaptation de ce roman de Daniel H.Wilson. Dans un futur lointain, les robots qui jusque-là travaillaient en bonne entente avec l’humanité, se sont retournés contre leurs maîtres. S’en est suivie une guerre que les humains ont perdue. Les survivants parviendront-ils à s’en sortir ou est-ce la fin de l’humanité ?

Neuromancer

Plusieurs réalisateurs était pressentis pour adapter ce roman fondateur du mouvement cyberpunk de William Gibson. Après Joseph Kahn, puis Vincenzo Natali, c’est finalement Tim Miller qui devrait hériter des aventures du hacker Henry Dorsett Case au sein du cyberespace.

Starship troopers

Ce roman de guerre intergalactique de Robert A. Heinlein avait déjà été adapté au cinéma en 1997 par Paul Verhoeven. Le remake prévu en 2018, devrait être moins violent et plus proche du roman. On évoque les noms de Gaspard Noé ou de Neil Blomkamp.

1 Voir l’article du dernier D’Ailleurs Infos.

2 Version française du manga

3 Version anglaise du manga

4 Une première adaptation avait été réalisée pour le cinéma en 2013 par le réalisateur Bong Joon-ho.

Hypogée

Photo : www.hypogee.ch

Hypogée est un « projet collectif qui plonge dans les entrailles du futur de la Suisse », selon la présentation qui en est faite sur son site Internet.

« Collectif », car il s’agit d’une collaboration entre plusieurs artistes, lesquels sont complémentaires, puisqu’ils œuvrent dans différents domaines : photographie, écriture, musique et dessin. Par le « futur de la Suisse », il faut comprendre un futur post-apocalyptique où le soleil, masqué par des nuages toxiques, ne brille plus. La Suisse, dernier bastion de l’humanité, a été sauvée de la destruction par sa neutralité. Pour survivre à la pollution en surface, ce qui restait des Helvètes se sont enfoncés « dans les entrailles » de la terre, où ils demeurent à l’abri dans un monde artificiel.

L’histoire nous est contée par Cassandre, un mineur qui a toujours vécu sous terre et dont le monde est dirigé par les anciens, envoyés par les dieux afin de faire régner l’ordre. Lorsque Cassandre et son ami Tristan découvrent au fond d’une mine d’étranges objets, ils décident de braver les interdits et de remonter à la surface pour découvrir la vérité que les dieux veulent leur cacher.

Photo : AG 2017 / www.cvrin.com

Ce projet original qui aurait pu devenir un film (l’idée était d’ailleurs dans l’air pendant un moment), a finalement donné naissance à une œuvre plurielle, à la fois musicale, littéraire et picturale, ainsi qu’à un coffret en édition limitée et numérotée pour en profiter pleinement. Une exposition autour de cette œuvre a eu lieu en juin 2017 à Vevey, ville qui a servi de modèle à l’univers décrit et à un photomontage futuriste très réussi.

Toujours à l’affût des nouveautés en matière de SF, l’AMDA a rencontré les artistes et acquis un coffret pour en enrichir la collection de la Maison d’Ailleurs. Peut-être aurons-nous donc le plaisir de voir, ou d’entendre, le projet Hypogée dans le cadre d’une future exposition !

Annabelle Amsler

www.hypogee.ch

Frank Herbert, fermier de Dune

Tous ceux qui ont lu Dune connaissent la fibre écologique du roman : une planète de sable, traversée de vers géants. Une planète où survivent des tribus fremens, qui récoltent l’eau à travers l’humidité de l’air capturée par des pièges à vent, tous habités par le projet de voir, un jour, la végétation pousser.

Mais saviez-vous qu’Herbert lui-même, à côté de sa plume, s’était lancé dans l’agriculture écologique ? En 1972, sept ans après la parution de Dune et alors qu’il vient de quitter son poste de journaliste au Seattle Post-Intelligence pour se consacrer entièrement à l’écriture, Frank Herbert et sa femme se retirent dans une ferme de 6 acres (2,42 hectares, soit 24’000 m²) à Port Townsend, au nord-ouest de Seattle. « Un projet de culture écologique destiné à prouver qu’il est possible d’obtenir des rendements satisfaisants en limitant considérablement tout apport en énergie externe » en disait Gérard Klein, dans Frank Herbert, le Prophète des sables.

Photo : The News Tribune

Alors, Frank Herbert, pris par la vague hippie du retour à la terre des années 1970 ? Peut-être. A l’instar de plusieurs communautés avant-gardistes de la côte est nées à la même époque, il a cherché à développer des techniques d’agriculture biologique à haut rendement et à développer des technologies renouvelables. On lui doit notamment d’avoir imaginé et développé une éolienne de petite taille permettant produire de l’électricité, pour laquelle on lui décernera un brevet, ainsi que l’utilisation de panneaux solaires (encore très rares à l’époque). La propriété disposait d’un petit lac et les Herbert possédaient quelques pieds de vigne. Ils élevaient également des volailles, et le méthane tiré de leur fumier leur apportait un surplus d’alimentation électrique.

L’expérience a néanmoins tourné court avec le cancer de la femme de Herbert et, vers 1980, le couple achète une nouvelle maison à Hawaï, où ils passent la moitié de l’année jusqu’à la mort de Beverly Herbert en 1984. Herbert lui-même décédera deux ans plus tard. A l’époque, la retraite au soleil a fait quelque peu jaser. Pascal J. Thomas, commentant les sommes reçues par plusieurs grands anciens de la SF américaine sur le retour, écrira, un peu moqueur : « [Frank Herbert] s’est installé à Hawaï, sans doute grâce aux royalties de la série Dune. Un million et demi de dollars pour un cinquième volume dont le premier mot n’était pas encore écrit, c’est coquet. Ça permet de laisser tomber sans arrière-pensée les fermes écologiques de l’Oregon. »

Pourtant, Frank Herbert ne faisait que suivre malgré lui la prophétie de Dune à rebours, passant du jardin luxuriant et nourricier pour finir les pieds dans le sable…

Vincent Gerber

Source : William F. Touponce, Frank Herbert, Twayne Publ., pp. 6-7 ; Pascal J. Thomas, « Le Retour des Barbes blanches », in Univers 1983, p. 202-203.

Dystopie ou réalité ?

A l’heure où j’écris ces lignes, le roman dystopique (ou contre-utopique) d’Orwell, 1984, est 23ème sur la liste des best-sellers du site de vente en ligne Amazon US. Il est déjà monté à la première place depuis l’investiture de Donald Trump (on aurait aimé que les Américains (re)découvrent ce chef-d’œuvre un peu plus tôt…). En France, toujours sur Amazon, Le Meilleur des Mondes, d’Aldous Huxley, est le livre de science-fiction qui se vend le mieux en ce moment.

Le succès de ces deux romans, publiés respectivement en 1949 et 1931, montre l’intérêt actuel pour ce sous-genre particulier qui consiste à imaginer un monde qui censé être, selon le point de vue adopté, meilleur ou pire que le nôtre.

Si vous connaissez sans aucun doute, au moins de réputation, les œuvres d’Orwell et d’Huxley, et les appréciez, voici quelques autres œuvres internationalement reconnues qui pourraient vous avoir échappé. Petit florilège :

  • Nous, d’Evgueni Zamiatine, 19201 :

D-503 est un Numéro de l’État Unitaire, un mathématicien, convaincu de pouvoir contribuer à apporter le bonheur à tout l’univers grâce à un vaisseau spatial, l’Intégrale, dont il est le constructeur. Pour envoyer son témoignage dans les étoiles, il nous décrit donc sa vie, en toute honnêteté. Nous voyons donc à travers ses yeux à quoi ressemble la vie dans l’État Unitaire, sous le joug du Bienfaiteur. Et nous sommes également aux premières loges pour assister à la révolution qui se prépare.

Ce roman, publié en russe à Paris en 1920, est décrit dans l’Encyclopédie littéraire soviétique de 1930 comme « un infect pamphlet contre le socialisme » : il a d’ailleurs valu à son auteur de mourir en exil. Il faut dire que la critique de l’Etat totalitaire n’y est effectivement pas subtile. Le roman est ainsi efficace et malgré tout poétique dans sa description d’un univers régi par les chiffres, peut-être par contraste avec les intentions déclarées du narrateur. Comme dans 1984, l’amour est le grain de sable qui viend se glisser dans les rouages excessivement bien huilés de la politique en place. Le Bienfaiteur n’a cependant pas dit son dernier mot…

  • Kallocaïne, de Karin Boyle, 19402 :

Voici un roman suédois qui n’a pas attendu la vague de popularité que connaissent actuellement les romans du Nord pour être mondialement connu !

Près de 10 ans avant le Meilleur des Mondes, Karin Boye nous propose d’explorer, dans son « Roman du XXIème siècle », un monde où l’État compte sur la chimie pour lui permettre de contrôler ses citoyens. Ainsi, Leo Kall, chimiste vivant dans la ville de chimie n°4, travaille à la mise au point d’un sérum de vérité. Son pays est en guerre, ce qui justifie tous les sacrifices exigés des citoyens. Cependant, il n’y a pas de plus grand honneur que de se sacrifier pour l’État, ni de plus grand bonheur. Pour Leo Kall, les ennuis commencent lorsqu’il ose exprimer, lors d’un discours officiel, l’idée que certaines personnes sont amenées à faire des sacrifices.

  • Level 7 (Niveau 7), de Mordecai Roshwald, 19593 :

Écrit comme un roman, il s’agit en fait, et l’auteur ne s’en cache pas dans son introduction datée de 2003, d’un pamphlet destiné à prévenir la survenance d’une 3ème Guerre mondiale nucléaire.

Nous suivons donc l’histoire de X-117, soldat affecté au niveau 7 d’une structure militaire souterraine destinée à assurer la réplique en cas d’attaque nucléaire de l’ennemi. X-117 doit surveiller la situation sur ses écrans, une tâche répétitive et ennuyeuse, mais il a aussi la responsabilité écrasante d’appuyer sur le bouton qui déclenchera la riposte. Il est le défenseur de la Vérité et de la Justice, mais il sait qu’il a bien peu de chances de jamais revoir la lumière du jour. Comme lui, nous découvrons la vie au niveau 7 et attendons, dans l’atmosphère oppressante de cette structure souterraine, de savoir si la guerre nucléaire aura lieu…

Nulle part dans ce livre la nationalité des protagonistes n’est mentionnée, car elle n’a aucune importance : il est bien entendu que les deux camps qui s’affrontent ont chacun mis en place le même mécanisme et connaîtront les mêmes déboires. Le destin de toute l’humanité dépend de ce qui se passe au niveau 7.

Entre les menaces d’attaque nucléaire et la ruée sur les opiacés que connaissent actuellement les États-Unis4, ces romans sont, malheureusement, toujours d’actualité. Gageons que le genre de la dystopie n’a pas encore écrit sa dernière ligne !

Annabelle Amsler

1 Actes Sud, 2017

2 Les Moutons électriques, coll. Hélios, 2016

3 Library of American Fiction, The University of Wisconsin Press, 2004, malheureusement non traduit en français.

Carte de membre 2018 : Interview de Valp

On l’avait découverte au début des années 2000, avec Lock, une série d’aventure au look un peu steam-punk, un peu SF, un peu fantasy également. Mais c’est avec sa série suivante, Ashrel, que Valentine Pasche, dit Valp, s’est vraiment fait un nom. Est-ce que parce qu’elle s’est ouvert les portes d’un grand éditeur, avec Delcourt ? Est-ce par le choix d’une aventure plus purement fantasy qui a su trouver son public ? Est-ce que parce que son graphisme a atteint sa maturité ? Les trois sans doute, et bien plus encore. La Genevoise de 37 ans, qui a quitté Genève pour le canton de Vaud, a du talent et du style à revendre, avec la particularité d’être une artiste complète : le scénario, c’est elle, le dessin, c’est elle, les couleurs, c’est elle aussi. Cette maîtrise de l’ensemble explique en grande partie la cohérence de ses séries et leur identité visuelle commune. Valp a obtenu le prix Töpffer en 2009 alors que paraît le premier des 4 tomes d’Ashrel. Voici pour mieux la découvrir un extrait, en grande partie inédit, d’une interview réalisée l’année suivante.

Photo : Wikipedia / Bulles en Seine 2010

Comment es-tu entrée dans la bande dessinée ?

Au départ, j’hésitais entre la bande dessinée ou les scénarios de films, voire la réalisation. J’avais d’abord postulé à l’ECAL de Lausanne, en section cinéma, pour finalement être retenue en design graphique. Au final, je n’y suis pas allée. J’avais déjà préparé quatre story-boards durant les ateliers des Arts déco et un ami m’avait présenté à l’éditeur Pierre Paquet. Je lui ai montré mes story-boards et il a accepté de me prendre à l’essai. Au final, il me fallait un métier où je pouvais dessiner, j’imaginais l’un ou l’autre, et ça a été la BD.

Du coup, tu t’es formée en autodidacte ?

Oui, car il n’y avait pas de formation en BD aux Arts déco. Juste quelques cours de dessin académique. On apprend surtout de ce qu’on lit et sur le tas, notamment en rencontrant d’autres dessinateurs avec qui on échange des infos.

Tu te vois des influences en bande dessinée ?

C’est toujours difficile de choisir car il y a tellement de bons artistes. De plus, chaque jour j’en découvre de nouveaux via les réseaux sociaux, comme Instagram par exemple. Mais je citerais Jeff Smith, avec Bone, Becky Cloonan ou Terry Dodson qui travaillent pour les comics, la grande Claire Wendling et ses superbes carnets de croquis, le regretté Michel Plessix, Béatrice Tillier et ses superbes couleurs… Ce sont tous de grands artistes qui font un travail admirable et c’est très motivant.

Qu’est-ce qui fait pour toi une bonne histoire ?

Essayer de surprendre le lecteur en créant une histoire originale qui soit également capable de lui parler. Créer des personnages complexes, attachants. Créer une dynamique entre eux, les faire évoluer en faisant évoluer le scénario. Et amener de l’inattendu. C’est qui est le plus difficile et le plus intéressant de mon point de vue.

Lock était une bande dessinée plutôt ado/adulte. Avec Ashrel, tu t’adresses a un public plus jeune, non ?

C’est pour les enfants, mais aussi pour les ados et les adultes. Pou moi, ça englobe les trois. C’est important que tout le monde y trouve son compte, qu’on puisse mettre tout un panel d’émotions, de gravité et de légèreté. J’aimerais faire une histoire qui puisse convenir à tous les âges, qui plaise autant aux adultes qu’aux plus jeunes, car c’est ça que j’aime lire. Mais l’étiquette « pour enfant » n’est pas péjorative pour moi. J’ai de très bons souvenirs de bandes dessinées pour enfants qui marquent à jamais.

Tout dépend de ce qu’on fait. On peut parler de différentes manières à un enfant. On peut s’adresser à lui comme à une personne intelligente et lui proposer une bonne histoire. Enfant, les histoires que j’aimais n’étaient pas forcément les plus tendres. L’histoire sans fin, c’était violent. Les Goonies, ça jurait beaucoup. Un bon aspect des années 80, c’est qu’on ne faisait pas des histoires qui prenaient les enfants pour des idiots. On retrouve ça aussi dans Harry Potter.Les enfants aiment bien aussi avoir peur, qu’il y ait des grossièretés, etc. On le recherchait quand on avait leur âge. Mais j’aimerais aussi une fois faire de la fantasy plus adulte. Ca me plairait beaucoup.

On voit beaucoup de sorties en fantasy, comment expliquer cet engouement récent ? C’est la désillusion du monde moderne ?

Oui, sûrement. Depuis les années 90, il y a eu beaucoup d’engouement pour le fantastique. En temps de crise, les gens ont besoin de s’évader, de rêver, de partir ailleurs. Malgré tout, je pense qu’il y avait déjà un public avant la crise. On voit notamment aujourd’hui toute cette génération de personnes qui ont grandi avec les mangas, les jeux de rôles et les jeux vidéos. Ca crée toute une génération de 20 à 35 ans qui a évolué avec ce milieu. Ils ont ça dans leur biberon depuis qu’ils sont nés. Et je m’inclus dedans.

Aujourd’hui, l’artiste s’attelle à une série steam-punk, avec Les Fantômes de Neptune. Une histoire qui mêle exploration spatiale et guerre franco-prussienne du XIXème siècle… Son premier tome lui a valu de se retrouver parmi les trois finalistes du Prix BD Zoom de 2016. Le 2ème, Kheropis, est paru en mai 2017. Et en attendant la suite, on vous laisse découvrir cette héroïne, inspirée de son univers, venant illustrer la carte de membre AMDA 2018.

Lancement de « Je suis ton père »

« Je suis ton père », la nouvelle exposition de la Maison d’Ailleurs, prend son envol. Jusqu’au 14 octobre 2018, elle nous permettra de réfléchir à la manière dont certains récits fictionnels, et notamment de science-fiction, ont pu prendre une place aussi importante qu’ont pu avoir avoir les grands mythes historiques, la religion ou certaines idéologies.

16 artistes contemporains à découvrir, notamment autour de Star Wars, titre emblématique de ce phénomène s’il en est.

Quelques photos du vernissage :

Présentation vidéo du thème de l’exposition par le directeur de la Maison d’Ailleurs, Marc Atallah.

BD: trois sorties suisses !

L’événement est assez rare pour être mentionné : cet automne, trois dessinateurs suisses ont publié conjointement un ouvrage de science-fiction ! Et non des moindres… preuve s’il en est de la vitalité de la scène locale en bande dessinée depuis quelques années. Tour d’horizon des sorties de José Roosevelt, Christophe Dubois et Enrico Marini

Rêve ou réalité ?

Et de 11 ! Avec une régularité de métronome et du talent à revendre, José Roosevelt vogue sans coup férir sur les flots de sa série CE. Un volume intitulé La persistance de la mémoire, titre d’un tableau de Salvador Dalí que l’on va découvrir au sein de l’intrigue. Tout, dans CE, a son importance, même la traditionnelle dédicace, marquant à chaque fois « l’atmosphère » du volume. Elle est décernée cette fois à l’auteur états-unien Philip K. Dick, grand questionneur de la réalité et des mondes parallèles. Et c’est bien de cela qu’il s’agit ici. Dans les deux derniers tomes, les personnages principaux de la série avaient pénétré par des voies séparées au sein d’un monde virtuel, inventé par l’ambivalent Johan, pour y cacher la reine Victoria. Celle-ci retrouvée, il s’agissait pour Ce, Victoria, Alyss et les autres de retrouver le chemin de leur propre univers. Plus facile à dire qu’à faire. Mais Johan, en maître du jeu, a laissé des clés, des morceaux de pistes épars présents pour ceux qui veulent bien les voir. Mais qui trompe qui et qui tire les ficelles ?

Depuis le début de la série, chaque volume apporte son lot de réponses et de nouveaux mystères. Celui-ci n’y fait pas exception, même si les révélations commencent à se faire plus précises et le puzzle comporte de moins en moins de trous. On ne peut que s’ébahir une fois de plus du dessin du Lausannois José Roosevelt, très fin et gorgé de détails, avec toujours ces quelques planches en pleine page dont il a le secret. L’intrigue est désormais bien en place et, bien que l’on constate que l’action a largement cédé la place à la réflexion depuis deux volumes, on peut sentir la pression monter. Le dénouement, en effet, est attendu au chiffre 13…

José Roosevelt, CE, vol. 11, La persistance de la mémoire, les éditions du Canard, 2017, 60 PP.
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Sous la TER…

Après la surface, les profondeurs. Ce serait une manière parmi bien d’autres de résumer le scénario de ce 2ème volume de TER. Alors que la présence de Mandor, sorti d’un tombeau, continue d’agiter la communauté villageoise qui l’a recueilli, des tremblements de terre violents surgissent. Autant de signes qui pointent toujours plus directement vers cette ancienne prophétie dont certains voient en Mandor le légataire. C’est en tout cas lui qui dirigera les villageois en lieu sûr, au sein d’un crypte abandonnée et qui révélera son passage au sein des profondeurs de ce monde. Et le sous-sol en révélera un peu plus sur cette « TER » et les peuples qui l’habitent. Non sans mal d’ailleurs : l’album possède son lot de combats, de traîtrises et de tous ces éléments qui font qu’une prophétie, écrite bien longtemps à l’avance, ne se réalise jamais exactement comme prévu.

Mené par le graphisme sublime de Christophe Dubois, TER continue d’errer dans et hors des sentiers battus. Rodolphe nous surprend un peu plus en quittant les grands espaces découverts. On espère que l’histoire qu’il nous propose continuera de faire de même.

Christophe Dubois & Rodolphe, TER, vol. 2: Le Guide, éd. Daniel Maghem.
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Je suis ta fille, chauve-souris !

Un DC Comics made in Switzerland ? L’annonce avait de quoi étonner. Et de faire rêver tout autant. On ne peut que comprendre la réaction du Bâlois Enrico Marini quand le projet d’adaptation de l’homme chauve-souris lui a été proposé. « On ne dit pas non à Batman », c’est un fait. Et pour le coup, qui s’en plaindrait ?

The Dark Prince Charming marque le premier tome d’un diptyque qui voit une parfaite fusion entre l’univers de gros bras dont Marini s’est fait une spécialité (avec Gipsy, Rapaces, Le Scorpion, Les Aigles de Rome et bien d’autres titres encore) et le monde obscur de Gottham City. Tous les ingrédients sont là : un Wayne hautain et suffisant, un Joker cruel et romantique, une Catwoman forte et piquante… et de l’action à revendre.

L’histoire, plutôt bien menée, raconte comment Bruce Wayne se voit réclamer 100 millions d’arriérés de pension alimentaire pour une petite fille de 8 ans, dont il serait le père, fruit d’une rencontre d’un soir avec une serveuse de bar. Une fille qui va dès lors attirer l’attention de beaucoup. Le scénario, dans un mode polar, se rattache à l’esprit originel des comics américains. En cela, il contraste d’ailleurs un peu face au revival plus récent et cinématographique d’un Batman revisité. Mais ce qui marque, c’est indiscutablement le talent graphique de Marini, qui devient d’ailleurs le premier non anglophone à réaliser une histoire du héros chauve-souris. Les personnages, les couleurs, font merveilles et portent à elles seules ce premier tome. Enivrant !

Une montre HR Giger

La marque horlogère suisse Storm lance une montre en hommage à HR Giger. Le créateur suisse avait participé au projet peu avant son décès en 2014 – une de ses dernières créations en quelque sorte. Son nom : In Memoriam HR Giger.

 

Plus d’info sur le site de Storm.

Projection de Jodorowsky’s Dune

Réservez le 5 décembre ! L’AMDA organise une soirée de projection du documentaire Jodorowsky’s Dune au Cinélux à Genève en présence du réalisateur Frank Pavich. Le film, sorti en 2013, raconte le projet débordant d’ambition du réalisateur chilien et sa quête pour faire le plus grand film de l’histoire. Il réunissait des personnalités phares, des « guerriers spirituels » pour Jodorowsky, comme Dali, Mick Jagger, HR Giger, Moebius et devait révolutionner le cinéma et le monde avec lui… Rien de moins !

Un documentaire fascinant sur un film qui n’a jamais existé. Le film, porté de bout en bout par la personnalité hors-norme d’Alejandro Jodorowsky, n’était pas paru à l’affiche en Suisse. C’est avec beaucoup de plaisir que l’AMDA vous invite à le découvrir. C’est un documentaire qui ne laisse personne indifférent.

Rendez-vous à 18h15 au Cinélux ! Evénement ouvert à toutes et tous, réduction sur le billet d’entrée pour les membres de l’AMDA