Carte membres 2021: Zim & Zou

Derrière un patronyme énigmatique et un logo un brin ésotérique se cachent non seulement deux artistes français, mais surtout beaucoup de talent. Thibault Zimmermann et Lucie Thomas sont sculpteurs, sculpteurs de papier. Un art original, que ces jeunes artistes ont poussé très loin avec un grand souci du détail. Leur style artistique, marqué par des couleurs pastel et une forme de « relooking » d’objets du quotidien, leur a valu une reconnaissance internationale. En dix ans, ils ont présenté leurs œuvres à Dubaï, Londres, Séoul, Taipei… C’est non sans fierté que l’AMDA les accueille pour illustrer la carte de membre de cette année, tant les images évoquées par leur travail se nourrissent de l’imaginaire – et le nourrissent en retour.

Qui sont Zim & Zou ?
Nous sommes un duo d’artistes basés en Dordogne. Nous avons commencé à travailler ensemble après nos études de graphisme. Sous le nom de Zim & Zou, nous réalisons des sculptures en papier depuis maintenant plus de 10 ans. Notre univers très détaillé, coloré et onirique s’inspire de beaucoup de domaines différents avec une prédilection pour la nature, la technologie et les animaux. Notre pratique pourrait en quelque sorte s’apparenter à du kirigami, cet art ancestral japonais de la découpe du papier.

On vous retrouve exposés dans le monde entier. Comment vous êtes-vous fait connaître ?
Notre premier projet en papier s’appelait « Back to Basics » ; nous y reproduisions des objets mythiques des années 80 en reprenant un code couleur très flashy. C’était pour nous une manière de montrer une certaine obsolescence technologique de plus en plus rapide de nos jours… Il était d’ailleurs très amusant de reproduire le Dynatac 8000, le tout premier téléphone portable au monde. Il faut se rendre compte de la taille que faisait cet engin ! Après avoir diffusé ce projet sur Internet, nous avons eu beaucoup de retours positifs et une première commande qui en appela d’autres par la suite. Depuis, nous travaillons à la fois pour des clients (dans des domaines très variés) et nous nous efforçons de continuer à créer des œuvres beaucoup plus personnelles. 

Carte 2021 – Zim & Zou

Quel sens donnez-vous au projet « Exodus » ? Qu’est-ce qui l’a inspiré ?
« Exodus » est notre dernier projet personnel. Cela faisait longtemps que nous avions une profonde fascination pour les dirigeables et nous avions vraiment envie de travailler sur ce sujet. C’est troublant de voir ces colosses du ciel voler dans les airs, avec toute la fragilité et le danger qui les entourent (pour ne citer que la catastrophe du Hindenburg en 1937 dont les images sont plus qu’impressionnantes). Il y a là un vrai côté surnaturel. Au-delà de l’objet lui-même, nous voulions surtout aborder le thème du voyage, comme la recherche d’un ailleurs, la quête de découverte. Le terme d’exode donne un sens particulier à ce voyage, comme si un événement avait contraint la flotte à partir pour ne jamais revenir. Quelque chose à la limite du post-apocalyptique, où les dirigeables seraient bloqués dans un mouvement sans fin. Nous voulions vraiment que chaque sculpture ait une identité très forte, comme dans un groupe d’aventuriers où chaque personnage possède un caractère tranché – et bien sûr son utilité par rapport au groupe.Le sens du détail est assez incroyable.

Quelle taille font les arches volantes d’Exodus ?
Nous voulions avoir différentes tailles de dirigeables, comme pour créer une sorte de hiérarchie visuelle et dynamiser l’ensemble. La plus grosse pièce, au centre, mesure 70 cm de long et à peu près 35 cm pour le plus petit. Le temps passé est assez important pour ce projet car nous avions à cœur de pousser le détail assez loin. Il y a en effet beaucoup de petites choses qui ne se voient pas forcément au premier coup d’œil comme des trappes creusées, des bandes de fils d’un millimètre, des écrous, etc. Je pense que pour l’en-semble du projet nous avons mis environ 3 mois.

On y voit une influence steampunk. D’autres de vos créations visent également dans un design rétro (Game Boy, caméra super-8, usine à cadrans et boutons…). Le passé est plus inspirant que le futur pour les artistes aujourd’hui ?
En effet, l’univers steampunk a été un moteur pour nous tout au long du projet tant dans son imagerie que par son esprit très DIY (Do It Yourself). Le passé est effectivement une grande source d’inspiration (notamment le sentiment de nostalgie), mais le futur l’est tout autant, même si cela se voit peut-être moins dans nos réalisations ! Le futur se nourrit du passé et vice-versa. Les deux sont liés et s’alimentent par leurs projections. C’est certainement pour cela que nous avons une réelle fascination pour les univers « parallèles », où par exemple l’industrie et la technologie auraient pris une tout autre direction en l’absence de pétrole ou de l’informatique. Au même titre que nous trouvons passionnant d’imaginer un monde hyper technologique où le corps est augmenté au point de se demander si l’individu n’est pas désormais plus proche du robot que de l’être humain.

D’autres œuvres, comme « Sharing Worlds », sont également inspirées de romans. Avez-vous un lien particulier avec la littérature, qu’elle soit ou non de science-fiction ?
Le projet « Sharing Worlds » a été réalisé pour le Musée du Prix Nobel de Stockholm dans le cadre d’une exposition à Dubaï. Nous devions réaliser deux sculptures sur deux romans : Kristin Lavransdatter de Sigrid Undset et Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. C’était très stimulant de devoir donner notre vision de ces romans, l’image qui nous restait en tête après les avoir lus. Pour ma part, mis à part mon bac littéraire, on ne peut pas vraiment dire que j’aie un lien particulier avec la littérature, au-delà de l’affectif bien sûr. Les livres sont et resteront un support que nous chérissons, car il y a quelque chose de très personnel lors de la lecture. La manière de vivre le récit et de s’imaginer les personnages, les décors, sans mot dire, est beaucoup plus personnelle qu’un film où l’on doit faire avec les images qui nous sont montrées. Même si le parti-pris cinématographique est aussi très intéressant ! En fait nous aimons toutes les formes de divertissement, du moment qu’elles nous emportent ailleurs (petite mention pour les jeux vidéo). Et quoi de mieux que la science-fiction pour s’imaginer ailleurs ! Personnellement, j’ai beaucoup lu les romans de Dan Abnett avec notamment la trilogie sur Eisenhorn ou de Graham McNeill autour de l’univers de Warhammer (et d’autres romans de la Bibliothèque Interdite qui m’ont beaucoup marqué). Actuellement, je suis sur La Horde du contrevent d’Alain Damasio, une merveille.

Site internet : www.zimandzou.fr

Article paru dans le D’Ailleurs Info N°34, janvier 2021.